Une création poterie avec la terre de votre jardin !? Je n’avais jamais pris le temps de tenter cette aventure. Vu que j’ai plus de temps ces temps-ci, je me suis dit : « Allez Sarah c’est le moment ! Tu vas prendre un seau et une pelle et tu vas tester TA terre ».
Mes hypothèses
Il faut savoir que j’habite juste à côté de la Garonne. C’est une terre d’alluvion réputée argileuse. Je pense avoir plus de chance d’obtenir de la faïence que du grès ou de la porcelaine. En ce moment je suis a fond dans la poterie faïence donc ça tombe bien !
Pourquoi ma terre ne sera pas de la porcelaine ?
Tout simplement parce qu’elle n’est pas blanche.
Pourquoi ce serait plus de la faïence que du grès ?
La faïence et le grès sont des terres secondaires. Les terres secondaires sont des argiles primaires auxquelles se sont rajoutées des impuretés intégrées lors du parcours des particules d’argile.
La faïence a plus d’impuretés dans sa composition que le grès, c’est pour cela qu’elle se cuit à basse température. Des particules se sont agrégées tout au long de son parcours, plus long que le parcours du grès. On retrouve donc la faïence dans les embouchures de rivière ou à proximité de la mer.
Procédure pour rendre la terre de son jardin utilisable en poterie
On va tester quelle terre de poterie se cache dans mon jardin ! Pour ça, nous allons voir le processus pour pouvoir utiliser la terre et les tests pour trouver ses caractéristiques. Chaque argile de poterie a ses particularités.
Pour la partie cuisson et recherche de la température idéale, j’ai suivi les conseils de Mathieu Lievois de l’école Créamik qui m’a proposé une procédure très complète. Merci Mathieu !
1 – Récupérer la terre
Première étape, creuser la terre assez profond pour ne pas avoir les impuretés de surface (racines, herbes, cailloux).
Une fois la terre récupérée dans un seau, je l’ai recouverte d’eau pour la ramollir. On laisse l’eau pénétrer entre les particules d’argile.
2 – Recycler la terre
J’ai ensuite mélangé la terre et l’eau à l’aide d’un délayeur.
Puis il faut passer la terre dans un tamis taille 80.
La terre a besoin de sécher, rien ne vaut une bonne plaque de plâtre.
3 – Qualité de la terre de poterie obtenue
La terre récupérée n’est pas très plastique. Une présence de sable importante doit en être la cause. Cela se remarque aux fissures lors de la réalisation du boudin ou simplement lors du pétrissage de la terre.
4 – Tourner la terre de mon jardin
L’argile est très sableuse et rigide, donc pas évidente à tourner. Je vais tout de même essayer de réaliser des petits bols que j’émaillerai par la suite. L’idée est de faire un petit bol sympa à offrir à mon beau-père qui a grandi dans cette maison.
La terre n’est pas très plastique et se fissure au tournage lorsque les parois sont fines. Voici un petit bol tourné.
5 – Taux de rétraction de mon argile
Le taux de rétractation de la terre est de :
- pour la terre crue : 10 cm
- la terre cuir sec : 9,2 cm
- la terre cuite à 1020° : 9,2 cm
- et pour la terre cuite à 1210° : 8,2 cm
Pour la procédure consultez l’article sur le calcul du retrait de la terre.
6 – Faïence ou grès ? Test du vinaigre
Le test consiste à mettre du vinaigre sur la terre séchée mais non cuite. Si on observe un dégazage avec l’ajout du vinaigre, il met en évidence la présence de calcaire dans la terre. En général, on peut conclure que la terre testée est une faïence. En effet, il y a davantage d’impuretés comme le calcaire dans la faïence par rapport au grès.
Il n’y a pas de dégazage sur la terre de mon jardin, elle n’est donc pas très calcaire. Je suis plutôt en présence d’une terre haute température.
De plus, la terre est rouge et cette couleur démontre la présence d’oxyde de fer. Le fer baisse la température de cuisson de la terre. Serait-ce de la faïence ?
On continue les investigations…
7 – Faïence ou grès ? Cuisson dans un bol en grès biscuité
J’ai un four qui peine à monter à 1280°C, j’ai donc fait cuire ma terre à 1210°C. L’idée de ce test est de cuire une balle de ma terre non identifiée dans un plat de grès. Ainsi, même si la pièce fond, elle n’abimera pas mes plaques…
Donc je me lance ! Et lorsque j’ai ouvert le four… Rien n’était fondu ! Apparemment, mon argile tient les hautes températures.
8 – Température idéale de cuisson
En théorie, il faudrait refaire cuire la pièce par pallier de 20°C pour déterminer la température maximale supportée par la terre, c’est à dire 1200°C, 1220°C, 1240°C, etc… Cependant, la puissance de mon four étant limitée, je ne peux pas monter au-dessus de 1210°C. De plus, ces tests de cuisson représentent un coût de cuisson élevé !
9 – Tester la porosité de ma terre
Pour cette expérience je vais faire 2 cuissons sur des échantillons de terre de mon jardin. La première cuisson est à 1020°C, température habituelle pour mes pièces en faïence. Une seconde cuisson est faite à 1210°C. L’idée est de déterminer si ma terre est toujours poreuse ou pas !
Suite à la première cuisson à 1020°C, je réalise deux tests sur mes échantillons :
- J’ai pris un carré de terre cuit. Je l’ai pesé sur ma balance à émaux. Il pèse 6g. Je l’ai trempé toute la nuit dans l’eau. Le lendemain matin, il pèse 8g. Le carré de terre s’est imbibé d’eau.
- J’ai mis de l’eau dans un verre. J’ai noté la quantité d’eau avec un trait. Je plonge le carré de terre à l’intérieur et le laisse une nuit. Le lendemain, la quantité d’eau a bien diminué lorsque l’on retire le carré. On retrouve les 2g de plus de notre carré de terre.
CONCLUSION : Après une cuisson à 1020°C, la terre est donc toujours poreuse !
Suite à la seconde cuisson à 1210°C, je réalise les deux tests de la même manière sur deux échantillons :
- Je pèse mon échantillon sur ma balance à émaux. Il pèse 2g. Je le mets à tremper toute la nuit. Le lendemain matin, il pèse toujours 2g. Pas de modification de la masse.
- Je répète le test du trait d’eau avec l’échantillon cuit à 1210 °C.
CONCLUSION : Après une cuisson à 1210°C, la terre est imperméable !
10 – Évolution de la couleur
En haut de la photo, la première couleur, plutôt dans le jaune, correspond à la terre non cuite.
Au milieu, le second échantillon tirant sur le orange correspond à la terre cuite à 1020°C.
Le troisième échantillon, la petite boule rouge, correspond à la terre cuite à 1210°C.
On voit l’évolution de la couleur de plus en plus rouge foncé à mesure que la cuisson augmente en température.
11 – Émaillage de la pièce
J’émaille mes pièces avec un émail à grès qui se cuit entre 1200°C et 1250°C. J’ai précédemment fait la cuisson du biscuit de 2 bols, et je tente d’émailler les deux. On croise les doigts…
12 – Résultats
Et voici le résultat ! Je n’ai émaillé que l’intérieur et le haut du bol pour faire ressortir la couleur brute de la terre de Plaisance. Et oui, je l’ai baptisé comme ça car c’est notre lieu-dit. Le second bol s’est fissuré ! Comme je vous le disais, la terre se fissure facilement au tournage donc le bol avait probablement une fragilité. Tant pis !
Utiliser sa propre terre pour la poterie : mes conclusions.
Je suis très contente d’avoir enfin pris le temps de tester la terre de mon jardin ! Elle n’est pas facile à tourner, et se fissure vite. Mais j’aime beaucoup la couleur finale de cette terre. Pourtant je partais avec un a priori très négatif, je n’aime pas la terre rouge.
Quel plaisir d’avoir une création faite avec la terre de son propre jardin. Les poteries prennent de suite une valeur plus sentimentale. J’ai offert le bol à mon beau-père qui a grandi sur ce sol et je compte bien faire une série de petits cadeaux avec Ma terre de Plaisance.
Moi qui pensais que c’était de la faïence, je me suis trompée sur toute la ligne ! Je ne sais pas si on peut l’appeler du grès, mais c’est une terre haute température qui est imperméable !
Si vous souhaitez faire de même, n’hésitez pas à partager votre expérience, ce serait top ! Et si certains points ne vous paraissent pas clairs, écrivez-moi un commentaire, je me ferai un plaisir d’en discuter avec vous !