Bien souvent, les potiers et les sculpteurs ont une argile de cœur qu’ils connaissent sur le bout des doigts. L’artisan adapte ses gestes et son travail à l’argile qu’il utilise et non l’inverse. Un changement de terre peut alors être déroutant, surtout pour des céramistes peu aguerris.
Les fournisseurs ne communiquent pas toujours toutes les données techniques ( encore faut-il les lire ? ), on peut utiliser une argile d’une petite carrière locale ou décider de travailler directement une argile naturelle que l’on récolte nous même dans la nature. Des surprises peuvent alors survenir : problèmes au séchage, à l’émaillage ou à la cuisson.
Vérifier par soi même certaines propriétés de notre argile peut s’avérer intéressant pour mieux comprendre les problèmes et dompter notre nouveau partenaire à l’atelier. Voyons les principaux tests à réaliser.
Cet article fait partie du dossier « Argiles » qui regroupe 8 articles :
1 – Les argiles en céramique
2 – Choisir son argile en poterie ou en sculpture
3 – Le Guide de la porcelaine pour céramiste
4 – Le Guide du grès pour céramiste
5 – Le Guide de la faïence pour céramiste
6 – L’ argile autodurcissante ou argile sans cuisson
7 – Quelle est la température de cuisson idéale d’une argile ?
8 – Tester les propriétés d’une argile
Test de plasticité d’une terre pour poterie
La plasticité des argiles provient de sa structure moléculaire. Les assemblages moléculaires entre la silice, l’alumine et l’eau couplés à ses propriétés électrostatiques donnent une souplesse aux argiles que les scientifiques ont beaucoup de mal à reproduire avec d’autres matériaux.
Pour vérifier la plasticité des argiles, on prélève une petite boule de terre pour façonner un rouleau que l’on recourbe en arc. Si le rouleau se fendille lorsqu’on le recourbe en arc, cela prouve que la terre n’est pas assez plastique pour être tournée.
Pour augmenter la plasticité d’une terre ou d’une pâte céramique, on va ajouter une argile à fines particules comme un ball clay ou de la bentonite.
Le retrait de la terre en poterie
Qu’importe la terre que tu utilises, elle se rétracte toujours. Lorsque tu imagines et dessines une création, tu as des dimensions en tête. Pour que ton résultat soit conforme à ton idée de départ, il faut donc que tu réalises des pièces un peu plus grandes, en tenant compte du taux de retrait de la terre.
Mais comment être sûr de ton taux de retrait ? Nous allons voir une méthode simple pour le calculer et ne pas te faire piéger pour tes prochaines créations.
La théorie sur le retrait de la terre
On considère un grès comme “bon” lorsque son taux de retrait est inférieur à 13%. Ça ne semble pas beaucoup à priori… Mais essayons de visualiser ce retrait de 13%. Au départ, tu as une bouteille de 20 cm de haut. Une fois cuite, la bouteille ne mesure plus que 17.4 cm, soit 2.6 cm de moins !
Évidemment, le retrait varie selon le type de terre en fonction de leur composition. Ainsi, la faïence rétrécit en moyenne de 7-8%, le grès de 12-13% et la porcelaine peut réduire jusqu’à 20%. Nous ne pouvons donner que des plages approximatives car chaque terre est différente.
Le cas des terres chamottées
La chamotte est de l’argile cuite, concassée plus ou moins grossièrement, puis réduite en poudre. C’est donc une matière inerte qui est réintroduite dans la terre. Elle diminue son retrait. Une terre chamottée a donc moins de retrait qu’une terre non chamottée.
La pratique
Pour trouver le taux de retrait de l’argile lors du séchage, prends 500 g de terre et place la sur une surface absorbante ( bois, tissu, plâtre). Prends 2 tasseaux entre 0,6 cm et 1 cm et un rouleau de pâtisserie. Avec ton rouleau, étale la terre entre les tasseaux afin d’obtenir une épaisseur régulière.
Prends une règle. Dans ce carreau, coupe 3 rectangles de 4 cm de large et de 12 cm de long.
Trace un trait à 1 cm du premier bord du rectangle et un autre trait 10 cm plus loin. Fais des traits épais pour que ce soit plus facile à voir.
Trace un trait droit entre ces 2 lignes, et fais un trait tous les cm le long de cette ligne de 10 cm.
Fais sécher les 3 plaquettes. Cuits 2 plaquettes pour obtenir les biscuits. Pour finir, fais la cuisson finale de la dernière plaquette, tu peux l’émailler si tu le souhaites mais rien ne t’y oblige !
Lorsque la dernière cuisson est terminée, reproduis une plaquette de 12cm x 4cm et numérote avec la règle les 10 cm.
En comparant les 4 plaquettes (fraîche, sèche, biscuit et émaillé), tu pourras constater les différents retraits et surtout évaluer ton taux de retrait total entre ta pièce de départ et ta pièce finale émaillée.
Par exemple, si le trait de la règle ne mesure plus que 9 cm, le taux de retrait sera de 10%.
J’ai réalisé ce test sur de la faïence. Voici le résultat.
On constate que:
- la règle séchée mesure 9.7 cm, soit 3% de retrait au séchage.
- la règle cuisson biscuit mesure 9.4cm soit 3% de retrait à la cuisson biscuit.
- la régle émaillée + cuisson finale mesure 9.4cm moins de 1mm de retrait compensé par l’émail.
Le retrait total de ma faïence est donc de 6%, la règle est passée de 10 cm à 9.4 cm.
La porosité de la terre en poterie
La porosité d’une argile est liée à la présence de pores plus ou moins grandes. Autrement dit, plus il y a d’espaces « vides » dans la structure moléculaire d’une argile, plus l’eau pourra s’y engouffrer. Ainsi plus une argile absorbe d’eau, plus elle est poreuse. La cuisson permet de refermer, voir supprimer totalement ces portes d’entrée pour l’eau en modifiant la structure moléculaire de l’argile.
La porosité ou degré d’absorption d’eau se mesure d’une manière assez simple. Prépare une tuile type tuile de test d’émail et cuit la à la température que tu souhaites tester. Une fois cuite, pèse la tuile. Plonge là ensuite dans un récipient d’eau. Laisse la 24h dans l’eau puis retire là et pèse la.
Ta porosité correspond à : (poids de la tuile trempée – poids de la tuile cuite) / poids de la tuile trempée. Multiplie ce chiffre par 100 et tu obtiendras le pourcentage de porosité de ton argile à la température de cuisson que tu as testé.
Je te rappelle que la porosité de ta pièce est fonction de la composition de ton argile et la température de cuisson. Elle joue un rôle important dans le fait que tes pièces soient alimentaires et puissent passer au lave-vaisselle. Elle est aussi un indicateur fiable de la solidité de ta pièce. Pour en savoir plus, consulte Température de cuisson d’une argile et porosité.
La température de cuisson d’une terre en poterie
Le test de température est lié au test précédent. Si tu recherches la température de cuisson idéale d’une argile, tu recherches la température qui rendra ta pièce la plus solide et la plus imperméable possible. Ton seul indicateur fiable sera sa porosité. C’est un test incontournable si tu as collecté cet argile dans la nature.
Il faudra donc préparer de petites tuiles – types tuile de test d’émail – et les cuire à différentes températures. Place systématiquement ces tuiles dans un récipient réfractaire pour protéger ton four car tu n’es pas à l’abri que la terre fonde ! Commence par cuire une tuile à 1050°C et mesure sa porosité avec le test précédent. Augmente ensuite la température pour la suivante, de 100°C par exemple, et mesure à nouveau sa porosité. Si ta terre est toujours poreuse de plus de 3%, augmente encore, si elle a fondu, redescend de 50°C. Dès que tu as une porosité entre 0 et 3%, tu as ta température idéale de cuisson.
Un cas pratique : la terre de mon jardin
J’ai réalisé tous ces tests pour faire connaissance avec la terre de mon jardin. Grâce à eux, j’ai pu déterminé que ma terre est une terre à grès. Si tu veux voir en pratique comment dérouler ces tests, fonce lire l’article : Faire de la poterie avec la terre de votre jardin. Tu y découvriras également un test pour évaluer la quantité de calcaire présent dans ta terre.
Ci dessous, ma terre crue puis cuite à 1050°C et 1210°C. Quelle variation de couleur ! ?
A toi de jouer ! Évidemment si tu travailles une pâte céramique, ces tests n’auront pas un intérêt majeur. Par contre, si tu vas récolter une argile près de chez toi, ces tests sont très plaisants ! Tu as l’impression de faire connaissance avec ta terre, de découvrir les bons et les mauvais côtés de sa personnalité.
A bientôt !