Tous les jeudis j’accueille en live des artistes, céramistes, toujours en lien avec la poterie. Le but est de vous faire découvrir leur parcours, leurs créations, leurs ambitions. Ces lives sont une source d’inspiration pour tous les amateurs d’argile que l’on soit apprentis céramistes ou céramistes confirmés. Voici l’interview de Justine Ribera alias « Les petites porcelaines » qui va nous parler d’elle et du travail de ses collections.
Justine Ribera est une céramiste spécialisée dans la porcelaine. Après 6 années d’études, Justine a ouvert sont propre atelier et y propose aujourd’hui ses créations. C’est aussi une pionnière de la monocuisson. En effet, soucieuse de son environnement, elle a décidé de faire subir une seule cuisson à ses pièces contre deux habituellement. Tu peux la retrouver sur ses réseaux sociaux via « Les Petites Porcelaines » et retrouver ses créations sur son site internet.
Interview de Justine Ribera « les petites porcelaines »
Peux-tu nous parler de toi et de ton parcours dans la céramique ?
Moi ça a commencé très très tôt au collège. Je prenais des cours du soir avec une copine et j’ai découvert qu’il y avait un lycée qui enseignait la céramique proche de chez moi. Après le brevet et quand on m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai directement répondu : de la céramique. J’ai donc effectué un CAP Tournage en céramique un BMA et un DMA.
- Le CAP est plutôt une formation d’ouvrier en céramique. On apprend à tourner en série, a être très efficace, le plus rapide possible, on y apprend à faire des dessins techniques. C’est très pratique. Je pense que le CAP Tournage a été inventé pour devenir ouvrier. Il n’y a pas de côté créatif. Il y a 6 semaines de stages par an sur 2 ans donc c’est top pour se créer une première expérience.
- Au BMA, on commence à créer nos pièces avec un thème et une terre. Ça permet de tester plein de terres et de techniques différentes. Pareil que pour le CAP Tournage en céramique, il y a également 6 semaines de stages par an sur 2 ans.
- Le DMA c’est autre chose ! On apprend à faire de la série, mais aussi de la pièce unique. On travaille plus sur le côté philosophique, savoir mettre un bout de soi dans nos pièces, leur donner une histoire. Idem pour le CAP et le BMA, 6 semaines de stages par an sur 2 ans.
J’ai trouvé des supers maîtres de stage qui m’ont fait mettre les mains dans la porcelaine et depuis je ne l’ai plus jamais lâché ! C’est donc en DMA que je me suis spécialisée dans la porcelaine. Et c’est d’ici qu’est né mon pseudo « les petites porcelaines ».
Pourquoi avoir fait le choix de renouveler régulièrement tes collections ?
Je ne me suis même pas posé la question ! J’ai toujours fait comme ça même quand j’étais au lycée car en DMA on commençait déjà à faire des marchés de potiers. Et donc j’avais déjà mes collections comme ma collection papillon ou ma collection dentelle. J’étais déjà sur un thème où il y avait plusieurs choses car j’avais cette envie de faire plusieurs choses différentes ! Donc l’organisation par collection était plus simple. Je donnais un nom, ce qui permettait aux clients de les identifier.
Et je pense que ce choix vient aussi du stage ou j’ai appris la porcelaine. Les potiers avaient plusieurs collections et plein d’émaux différents. Ils parlaient aussi par nom de collection et je pense que je me suis imprégné de ça. Ça a dû m’attirer sans m’en rendre compte.
Au début, j’avais toujours mes trois petites collections dans ma boutique. Sur internet commencé à proposer des porcelaines box. J’en avais 30 à 50 éditions pour lesquelles je partais complètement sur autre chose de ce que j’avais l’habitude de faire à l’atelier. J’ai trouvé ça super car je testais plein de techniques, d’engobes et de crayons. Et c’est là que je me suis rendu compte que je m’éclatais à faire de nouvelles choses. J’ai alors décidé de garder ce principe des porcelaines box avec lesquelles je crée un nouveau thème par édition.
Peux-tu nous partager ta procédure de travail d’une nouvelle collection ? Ça prend combien de temps ?
Cette année ça va un peu changer, mais ces dernières années je changeais de collection a-peu-près au mois de juin juste avant l’été. Donc je savais que quand je sortais une collection, je restais un an sur la même et au bout de 4 mois de même collection, je commençais déjà à penser à la suivante. Mais je ne me force pas à y penser. Ça me vient spontanément en me baladant ou un lisant un magazine. Et puis d’un coup, y a un truc qui va me dire, je veux vraiment partir là-dessus. C’est souvent au mois de décembre que je commence à avoir un truc plus précis, alors je m’attaque aux essais. Mais je me laisse le temps car je sais que j’ai encore 6 mois devant moi. C’est pourquoi je fais mes essais de temps à autre. Au final, ça prend environ 6 mois pour que j’obtienne la forme définitive.
Pourquoi as-tu décidé de changer ta procédure cette année ?
Je me suis pris un gros coup l’année dernière quand j’ai fait ma collection Hacienda. C’était une collection très rose, un peu sur le thème du Mexique et des jardins marocains. Elle était très marquée et souvent quand je change de collection, j’ai envie de changer totalement d’univers. Par exemple, quand je fais une collection colorée, après j’ai envie de partir sur une collection plus sombre.
Après la collection Hacienda, j’ai fait d’un coup quelque chose de super sobre, je suis passée sur du beige. Mon Instagram , qui était très rose, est tout d’un coup devenu très sobre. Le problème, c’est que certains clients avaient encore envie d’avoir la collection Hacienda. Et surtout, il a fallu que j’explique pendant des mois, des semaines que la collection Hacienda était finie et cela ma demandé beaucoup d’efforts et d’énergie. Avant, j’avais beaucoup moins d’abonnés sur Instagram, beaucoup moins de client et je pense que le petit groupe comprenait mieux le changement.
Je me suis alors dit qu’un an ce n’est peut-être finalement pas assez long. Dans l’univers de la mode un an c’est un siècle, mais dans l’univers de la céramique peut-être qu’un an ce n’est pas assez. Donc je vais laisser à ma nouvelle collection un peu plus de temps et quand je verrais que les gens sont lassés, je changerai.
Ton procédé de vente a-t-il changé lui aussi ?
Oui ! Avant, je vendais mes collections sous forme de ventes éphémères. Je fabriquais toutes mes pièces, je donnais un rendez-vous et toutes les pièces partaient à ce moment-là. Cela débloquait une grande frustration car les gens qui n’arrivaient pas assez vite ne pouvaient pas avoir les pièces. Et temps qu’il n’y avait pas de vente éphémère les gens ne pouvaient pas acheter. Ça a été bien un temps, mais je veux plus fonctionner comme ça. Je veux qu’il y ait une collection permanente avec une boutique, du stock ou les gens peuvent acheter sur internet. Mais je veux quand même garder de temps en temps ce côté petite collection avec ventes éphémère car j’aime bien.
Vois-tu des différences de tendances sur tes pièces entres les ventes en boutique et ton site les Petites Porcelaines ?
Oui ! La collection que je faisais avant avec les petites fleurs marchais très très bien en boutique, mais pas du tout sur internet. La collection Hacienda plaisait quant à elle aussi bien en magasin que sur internet même si je ressentais quand même plus de retenue en magasin. Actuellement, pour ma collection Mineral, j’ai l’impression qu’en boutique elle est plus compliquée à comprendre pour les gens. Peut-être parce que sur Instagram je raconte une histoire, j’explique ce qu’il y a dernière la pièce. En boutique, même si je peux parler aux gens, ils n’ont pas forcément le début de l’histoire. Et puis il y a aussi les prix ! Certains magasins autour de moi proposent des prix plus bas. Moi, je propose de la porcelaine donc le prix est plus élevé, mais c’est souvent plus difficile de l’expliquer en magasin.
Comment réfléchis-tu tes collections ? Au niveau du nombre de pièces, des formes, c’est prédéfini ou au feeling ?
Ça, c’est un truc que j’ai mis en place il y a vraiment très longtemps. Au début, mon magasin, quand je ne vendais pas vraiment sur internet, était très rempli. Je voulais créer un service avec plein de pièces différentes, des saladiers, des tasses, des plateaux, etc. Et quand j’ai commencé à vendre sur internet, je me suis rendu compte que c’était un peu compliqué (prendre toutes les photos, tarifer, gérer le stock…). J’ai donc choisi les pièces qui se vendent le mieux, c’est-a-dire, le bol, le mug, la petite tasse à café, le saladier et le vase. C’est comme ça que je me fixe.
Comment arrives-tu à gérer ta semaine de céramiste entre ta vie de maman, la gestion du magasin, de l’administratif, la production et le site des Petites porcelaines ?
Ma semaine de céramiste est rythmée par la vie de mon fils. Par chance, son école est à 5 minutes de mon atelier. Je commence plus tôt qu’avant comme je le dépose à l’école à 8h. Et puis à 16h15, je m’arrête, je vais le chercher puis je reviens à l’atelier avec lui pour y rester 1h de plus et on part vers 18h. Ensuite, j’ai mes priorités, je sais qu’il y a des choses plus importantes que d’autres selon les jours. Je sais que ça peut choquer quelques personnes, mais mes mails ne sont pas vraiment pas ma priorité. La priorité, c’est la fabrication. Pour mes publications Instagram, j’aime bien le faire dans la matinée. Mais c’est vraiment au jour le jour.
Es-ce que ça t’es déjà venu à l’idée de t’associé avec un céramiste pour produire plus ?
Oui j’y ai pensé il y a quelque années quand la demande était beaucoup plus forte que ce que je pouvais produire et devant la frustration de mon chiffre d’affaires.
Comme j’étais au max de ce que je pouvais fabriquer, je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’essaye d’embaucher quelqu’un. Mais en fait, c’est presque impossible car il faudrait que je trouve quelqu’un qui tourne très bien la porcelaine. Et pour mois, si cette personne existe, c’est qu’elle est déjà à son compte. Je me suis demandée si j’avais vraiment envie de vendre une pièce que je n’ai pas fabriquée. Et je pense que je n’y arriverais pas ! Donc après, j’ai pensé à embaucher quelqu’un qui gère tout sauf la fabrication. Mais je n’ai finalement pas envie. Et puis, j’adore gérer le site internet et Instagram, et ça me permet de faire des pauses dans la fabrication.
Tu étais une pionnière à te lancer dans la monocuisson. Est-ce-que tu as des conseils sur cette technique de cuisson ?
Je reçois au quotidien beaucoup de question sur la mono-cuisson et je ne peux pas tout le temps y répondre parce que la mono-cuisson, je la fais sur mes pièces avec ma terre et mon décor. Donc le conseil que je donnerais, c’est d’essayer ! Quelqu’un de spécialisé ne peut pas donner la réponse. Chaque terre, chaque pièce est tellement spécifique que je ne peux pas savoir à l’avance le rendu et les erreurs rencontrées. Donc on teste et on voit ce que ça donne. Et si vraiment l’envie c’est de faire de la mono-cuisson alors il faut adapter ses pièces à cette dernière.
Pour finir as-tu des conseils pour les débutants qui souhaitent se lancer ?
Il faut se former et apprendre ! Et surtout, il faut se dire que le métier de céramiste ce n’est pas de fabriquer un bol, non, c’est d’en fabriquer 100, toute la journée, toute la semaine. Donc il faut se demander si tu aimes vraiment ça pour en faire ton quotidien. C’est beaucoup de travail, c’est physique, stressant et il faut surtout être rentable !
Merci à Justine « Les petites porcelaines » pour sa participation ! Je vous invite à écouter l’interview sur notre Instagram.