Le séchage est un moment décisif dans le processus céramique. Trop rapide, il provoque fissures, déformations, décollements. Trop lent, il ralentit la production, favorise les moisissures, voire provoque des effondrements internes. Mais surtout, une pièce apparemment sèche peut éclater au four si elle contient encore de l’eau à cœur.
Les phénomènes physiques et chimiques du séchage en céramique
Quand on réalise une pièce, on travaille de l’argile contenant une grande quantité d’eau. Le séchage consiste à évacuer cette eau sans générer de tensions internes.
On distingue deux types d’eau.
L’eau libre, qui s’évacue naturellement à température ambiante. Elle est localisée entre les particules d’argile. Si on détaille un peu plus, il y a 2 types d’eau qui vont s’évacuer : l’eau colloïdale, la première à partir, puis l’eau d’interposition.
L’eau liée, elle, est fixée chimiquement dans la structure cristalline de l’argile. Elle ne se libère que pendant la cuisson, entre 400 et 600 degrés Celsius, au moment de la déshydroxylation.
L’eau libre commence à s’évaporer dès 20 degrés Celsius. Sa présence au moment de la cuisson est dangereuse. À partir de 100 degrés, l’eau restante se transforme en vapeur. Si elle est piégée dans la pièce, elle peut provoquer des explosions internes. C’est pourquoi il est vital que le séchage soit complet avant la cuisson.
C’est pour cela que si tu as un doute, tu peux pratiquer le bassinage. je t’en reparle en fin d’article.
Une montée trop rapide lors de la cuisson du biscuit peut faire éclater la pièce s’il reste de l’eau. Entre 400 et 600 degrés, si l’eau liée se libère dans une structure déjà fragilisée, cela peut provoquer des microfissures.
Les trois états de la terre

L’argile passe par trois états bien distincts pendant le séchage.
Au début, on travaille une argile fraîchement tournée ou modelée. Elle reste très malléable, saturée d’eau, et marque au moindre contact. Il suffit de la toucher pour qu’elle se déforme.
À l’état cuir, la terre a déjà perdu une bonne partie de son eau libre. Elle devient rigide tout en conservant une certaine souplesse. On en profite pour tournasser, graver, assembler des éléments ou coller une anse.
À l’état sec, la pièce a évacué presque toute son humidité. L’eau colloïdale a disparu, il ne reste que l’eau d’interposition. L’argile s’éclaircit, s’allège, devient sonore au tapotement et atteint la température ambiante. On peut alors l’enfourner en toute sécurité.
La rétractation de la terre

Automatiquement, si l’eau disparaît de la terre, l’argile va se rétracter. Le taux de rétractation de l’argile varie entre 10 et 20% en fonction de l’argile utilisée. Pour connaître le taux de retrait de ta terre, consulte cet article.
Le séchage d’une pièce céramique
Le séchage est un processus qui doit être le plus uniforme possible. Si le séchage est trop rapide, cela va crééer des tensions sur les parois et créer des fissures sur les pièces. Plus les contrastes d’épaisseur sont présents dans la pièce, plus le séchage devra être lent.
Rectifier un séchage céramique trop rapide
Il existe une technique de correction du séchage en céramique. Elle consiste à réhumidifier légèrement une zone qui a séché plus vite que les autres. On utilise une éponge humide,un pinceau ou un chiffon humide, et on applique une fine couche d’eau sur la zone sèche.
On utilise cette technique pour humidifier une anse avant collage, ou pour réparer une microfissure en état cuir. Cette opération doit être immédiatement suivie d’une remise sous plastique, ou autre système qui garde l’humidité de la pièce entière, pour homogénéiser.
Créer un environnement de séchage céramique contrôlé
Le séchage ne doit pas être laissé au hasard. Il doit être encadré par des structures capables de réguler l’humidité, de ralentir l’évaporation et d’éviter les à-coups.
Le plastique
La solution la plus simple est le plastique. Le plastique garde l’humidité autour de la pièce. Il ne doit jamais toucher directement la pièce, pour éviter de la déformer. On commence avec une fermeture complète, sous et sur ples pièces, puis on entrouvre progressivement les jours suivants. Tu peux mettre un bol d’eau sous le plastique pour créer une atmosphère encore plus humide.
La caisse humide
La caisse humide est une boîte fermée, avec un fond en plâtre, dans laquelle on place les pièces. Elle permet de maintenir un air saturé en humidité pendant plusieurs semaines. Il suffit de garder le plâtre humide. Pour apprendre à fabriquer une caisse humide, va voir notre formation gratuite.
L’armoire de séchage ou la mini serre

L’armoire de séchage permet de gérer un grand nombre de pièces en production. Les pièces épaisses doivent être placées en bas, les fines en haut. On ouvre les portes progressivement. Dans le même style, tu peux utiliser une mini serre de jardin dans laquelle tu peux mettre des bols d’eau pour augmenter l’humidité.
Le vieux frigo
Le frigo hors-service, ou une cave fraîche, permet un séchage très lent, presque en suspension. C’est utile pour des sculptures, des grosse pièces. Il faut surveiller le risque de moisissures.
Dans tous les cas, pose les pièces sur un support absorbant, comme une planche en bois brut, une chamoisine ou du papier journal. Cela permet une évaporation lente et régulière par le dessous.
Adapter le séchage à la forme de la pièce

Chaque forme implique un comportement spécifique pendant le séchage en céramique.
Le bol
Le bol présente des parois fines et un fond plus épais. Le bord sèche plus rapidement que le reste. Pour éviter les déséquilibres, on couvre les bords dès le premier jour avec du plastique, puis on retourne le bol à l’état cuir afin d’égaliser l’humidité entre le fond et les parois.
L’assiette
L’assiette se gondole facilement lorsqu’elle sèche à plat sur une surface rigide. Pour éviter cette déformation, on la pose sur un tissu ou du papier journal, puis on la retourne dès que possible. En appliquant une pression uniforme pendant le séchage, on aide la pièce à conserver sa planéité. C’est pour cela que l’on place souvent des sacs de riz ou des galets sur l’assiette pour le séchage.
Les assemblages
Les pièces montées risquent de fissurer au niveau des collages si les taux d’humidité ne sont pas homogènes. Pour limiter ce risque, on assemble uniquement des éléments à l’état cuir. Après le montage, on replace immédiatement la pièce sous plastique ou dans une caisse humide, et on la laisse reposer au moins 48 heures pour stabiliser l’ensemble.
Les sculptures
On perce systématiquement les sculptures et les pièces fermées pour éviter les explosions lors de la cuisson. On ralentit leur séchage au maximum, en les plaçant dans une caisse humide ou sous plastique pendant une semaine ou plus. En les découvrant trop tôt, on risque de provoquer des fissures internes souvent invisibles à l’œil nu.
L’environnement de séchage : gérer l’air, l’humidité et le support
Température et ventilation
Le séchage en céramique idéal se fait entre 18 et 22°C, avec un taux d’humidité relative de 40 à 60 %. En dessous, le séchage devient brutal ; au-dessus, il est trop lent et favorise les moisissures.
Le support de séchage
- Bois brut : absorbe l’humidité doucement, idéal pour débutants
- Plâtre : très absorbant, à réserver aux pièces épaisses
- Tissu ou papier journal : régule l’échange d’humidité avec le fond
Les erreurs fréquentes en séchage céramique et leurs conséquences

Séchage trop rapide
Symptômes :
- Fissures en étoile au fond
- Anses décollées
- Pièce qui sonne creux ou désaccordé
Causes possibles :
- Pièce exposée à un courant d’air
- Rayonnement direct (soleil, radiateur)
- Aération trop précoce
Séchage inégal
Conséquences :
- Déformation (assiettes qui gondolent)
- Affaissement (pièces fermées)
- Fendillement invisible… jusqu’à la cuisson
Enfournement trop précoce
Même si la pièce est « sèche au toucher », elle peut contenir de l’humidité à cœur. Résultat à la cuisson : explosion dans le four à cause de la pression de la vapeur d’eau.
🔥« le four n’est pas là pour finir le séchage. Si la pièce est encore humide, elle implosera dès 150°C. »
Un calendrier type de séchage
Le calendrier de séchage dépend de la saison, de l’humidité ambiante, de la ventilation et de l’épaisseur des pièces. Voici un exemple de séchage sur dix jours, pour des pièces avec anse :
- Jour 1 : façonnage, mise sous plastique ou dans une caisse humide
- Jour 2 : maintien du plastique fermé
- Jour 3 : plastique entrouvert
- Jour 4 : tournassage ou collage à l’état cuir
- Jour 5 : retour sous plastique
- Jour 6 : plastique entrouvert à nouveau
- Jour 7 : sortie à l’air libre dans un endroit protégé
- Jour 8 : contrôle de la sécheresse et des fissures
- Jour 9 : pièce complètement sèche, repos à l’air libre
- Jour 10 : enfournement si toutes les vérifications sont validées
Signes d’une pièce sèche prête à cuire
Ta pièce peut être cuite lorsqu’elle réunit tous les critères suivants :
- Elle est à température ambiante, ni froide ni humide au toucher
- Elle présente une couleur uniforme, plus claire que l’état plastique
- Elle ne laisse aucune trace d’humidité sur la peau
- Elle est plus légère qu’à l’état frais
- Elle produit un son mat ou légèrement sonore au tapotement
- Elle ne présente aucune fissure visible, en particulier au fond
- Elle a reposé au moins vingt-quatre heures à l’air libre après retrait du plastique
Si un seul de ces points n’est pas validé, laisse-la sécher. Une journée de plus vaut toujours mieux qu’une pièce perdue.
Que faire en cas de fissure pendant le séchage
Quand une fissure apparaît pendant le séchage, il faut d’abord identifier son stade. Si la pièce est encore à l’état cuir, on peut souvent réparer. On humidifie très légèrement la zone concernée, puis on applique de la barbotine. On recouvre ensuite la pièce sous plastique pendant un ou deux jours pour relancer un séchage lent et homogène. Cette réparation fonctionne mieux sur des fissures superficielles ou fines.
Si la fissure apparaît à l’état sec, ou si elle est trop profonde, la réparation devient risquée. Même en comblant la fissure, les tensions internes restent présentes. Ces réparations tiennent rarement à la cuisson.
Dans ce cas, mieux vaut recycler la pièce, tu perdras moins de temps !
Que faire en cas de casse
Si la pièce casse pendant le séchage, il faut distinguer deux cas :
- les cassures nettes, propres
- les effondrements ou éclatements
Dans le premier cas, on peut tenter un recollage à l’état cuir avec de la barbotine enrichie de vinaigre, la barbotine magique, en replaçant la pièce sous plastique pendant plusieurs jours. Mais le résultat reste incertain, surtout pour les formes fonctionnelles. En cas d’éclatement ou de fissuration multiple, on recycle directement la terre. On réhydrate les morceaux cassés dans un seau d’eau, on les laisse se désagréger, puis on les récupère en pâte. Le recyclage reste une solution saine, intégrée à la logique d’atelier.
Le lien entre séchage céramique et cuisson

Si tu veux augmenter la vitesse de séchage de ta pièce grâce à ton four, utilise le bassinage. Le bassinage, c’est le fait de laisser ta pièce plusieurs heures dans le four avec une température à 60°C. Cela permet de supprimer l’eau superficielle. Cependant, cela peut abîmer les résistances du four sur le long terme.
Cependant, en utilisation classique, le four ne sert pas à sécher les pièces. Enfournée trop tôt, une pièce encore humide explose dès que la température approche les 100 degrés. Le rôle du palier de montée lente est d’accompagner des pièces déjà sèches, pas de compenser un séchage bâclé.
Entre 20 et 150 degrés, l’eau libre s’évapore. Si elle reste présente dans la terre, elle se transforme en vapeur et crée une pression interne brutale. Cette pression fait éclater la pièce de l’intérieur, souvent sans prévenir.
En séchant correctement, on prépare la terre à traverser cette phase critique sans dommage. Une pièce bien séchée entre en cuisson biscuit sans problème. Une pièce mal séchée, même parfaitement façonnée, ne tient pas.
Et après ? Cuisson et vigilance
Une pièce bien séchée est prête pour la cuisson biscuit (première cuisson), mais il faut rester prudent :
- Monte lentement jusqu’à 150 °C → palier critique de l’eau libre
- Évite les pièces épaisses collées entre elles
- Si possible, place les pièces douteuses en haut du four (zone moins chaude au départ)
Le séchage est un moment clé dans la réussite d’une pièce. Elle demande de la rigueur, de l’observation et de la méthode. Elle engage à la fois la compréhension de la terre, la gestion de l’environnement et la maîtrise du temps. J’espère que cet article t’aura aidé à la réussir au mieux !!



