La pratique de la céramique nous confronte régulièrement à des notions de chimie, de physique et de maths, en particulier avec les émaux. Après le taux de retrait de l’argile et la densité de l’émail, nous voilà avec un nouveau concept à maîtriser : le coefficient de dilatation thermique.
Lorsque nous choisissons une glaçure pour notre terre, 2 points sont à surveiller. Nous devons vérifier la compatibilité de la température de cuisson entre la terre et l’émail. Et Il faut également prendre en compte le coefficient de dilatation thermique, une notion souvent oubliée.
Nous allons voir dans cet article ce que représente ce coefficient , où trouver ces données et quels problèmes peut engendrer une incompatibilité entre les coefficients thermiques de l’émail et de la terre.
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Qu’est-ce que le coefficient de dilatation thermique ?
Ce coefficient mesure la dilatation thermique d’un matériau. Lorsqu’une matière est exposée à de la chaleur, ses dimensions varient, elle se dilate ou se contracte. Cette variation des dimensions du matériau lorsque celui-ci subit une variation de température se mesure grâce à ce coefficient.
Plus le coefficient de dilatation thermique est élevé, plus grande est la variation du matériau avec la température.
Sa formule est : variation de longueur (en mm) = coef de dilatation * longueur initiale * variation de température. On l’exprime en °K-1 ou °C-1.
Pour te donner une idée, sache que le coefficient moyen de dilatation thermique est situé entre 40.10-7 K-1 et 180.10-7 K-1. Oui, tu ne retiendras pas ces chiffres… Mais ce n’est pas le principal, l’idée à retenir est la suivante :
La bonne adhérence de l’émail avec le tesson est déterminée par un accord entre le coefficient de dilatation thermique de l’émail et celui de la terre. On dit que le coefficient de dilatation thermique de l’émail doit être égal ou légèrement inférieur à celui du tesson, jusqu’à 15%.
Par exemple, une terre qui a un coefficient de dilatation thermique de 60 * 10-7 supportera un émail ayant un coefficient de dilatation thermique entre 60 * 10-7 et 51 * 10-7. En pratique, la fourchette peut s’avérer un peu plus large en fonction de la terre et de l’émail utilisé, à toi de tester !
Dilatation thermique et courbe de cuisson
Sous l’effet de la chaleur, la terre se dilate. Elle se contracte ensuite dans les mêmes proportions en se refroidissant. L’émail est soumis au même phénomène pendant la cuisson.
La glaçure fond pendant la cuisson lorsque la température est élevée. Lorsqu’elle est à l’état mou ou fluide, elle supporte très bien les tensions. Les problèmes de compatibilité apparaissent lorsque la glaçure durcit à nouveau à partir d’environ 500°C. A cette température, elle s’est liée au tesson. Si sa dilatation entre 500°C et 20°C est trop différente de celle du tesson, elle se fissurera.
Lorsque tu rencontre ces problèmes, pour limiter les tensions entre terre et émail, il faut que la descente en température de ton four soit progressive. Si ton four refroidit trop vite, et si tu as un programmateur adapté, contrôle la descente surtout entre 300 et 200°C.
Défauts liés à un mauvais coefficient de dilatation thermique
Plus la couche d’émail va être épaisse, moins elle sera élastique et plus l’impact d’un coefficient de dilatation thermique non adéquat sera important. Nous allons maintenant voir les conséquences en cas de coefficients incompatibles :
Si le coefficient de dilatation de la glaçure est trop supérieur à celui du tesson
L’émail se contracte davantage que la terre en refroidissant. Il a du mal à recouvrir la surface de la pièce, des tensions naissent dans la glaçure. On verra apparaître du tressaillage à la surface de l’émail.
Le tressaillage se présente sous la forme de fines fêlures dans l’épaisseur de l’émail qui suivent une distribution en forme d’étoiles ou de spirales. Il est possible d’entendre le tressaillage à la sortie d’une pièce du four, il produit de petits crépitements, plutôt jolis d’ailleurs. Ces micro fissures constituent un défaut majeur pour les pièces utilitaires car les liquides pourront pénétrer jusqu’au tesson grâce à elles. Le tressaillage rend les pièces poreuses.
Si la glaçure a un coefficient de dilatation trop inférieur à celui du tesson
La pièce rétrécit trop, il n’y a plus assez de place en surface pour l’émail. Il ne peut pas bien adhérer au tesson. Cela peut engendrer de l’écaillage, c’est à dire que des parties d’émail se décollent de la pièce.
Lorsqu’il s’écaille, l’émail se soulève par petites surfaces fines, il peut même se décoller du tesson. L’écaillage apparait en priorité sur les bords ou les zones bombées. Il peut ne pas être visible mais provoquer des zones de fragilités de l’émail. Suite à des chocs, l’écaillage peut se produire de manière subite. La zone écaillée est poreuse.
Si l’émail est disposé seulement sur un côté des parois
Ces différences de coefficient de dilatation thermique peuvent créer des tensions sur la paroi sans forcement impacter l’émail. La terre peut y répondre en se déformant. Une paroi droite deviendra concave ou bombée pour supporter les tensions.
Ces réactions de la terre en fonction des coefficients de dilatation terre / émail peuvent être utilisée comme test de compatibilité si vous avez un doute. Il suffit de réaliser de petites plaques, type tuile de test, séchées bien à plat. On émaille une face de la plaquette puis on la cuit. En fonction de la forme de la plaquette à la sortie du four, on pourra anticiper d’éventuels problèmes sur nos futures pièces émaillées.
Où trouver des informations sur le coefficient de dilatation thermique ?
Tout simplement en étant attentif aux caractéristiques données par les fabricants pour leurs argiles et leurs émaux. Un exemple ci dessous sur le site Cigale & Fourmi avec un grès blanc
Ici cette terre et cet émail sont compatibles.
Calculer le coefficient de dilatation d’un émail à partir de sa recette
Chaque oxyde composant ton émail participe à sa dilatation. Par exemple, l’oxyde de calcium ou chaux augmente le coefficient de dilatation alors que l’oxyde de zinc le diminue. Pour calculer le coefficient de ton émail, il faut que ta recette soit exprimée en pourcentage comme suit :
Oxyde 1 – X% avec un coefficient de dilatation C1
Oxyde 2 – Y% avec un coefficient de dilatation C2
Oxyde 3 – Z% avec un coefficient de dilatation C3
Le coefficient se calcule avec la formule suivante : C = X*C1 + Y*C2 + Z*C3
Pour trouver les valeurs des coefficients de dilatation de chacun de tes oxydes, je te conseille cet article sur les coefficients de dilatation en céramique.
J’espère que ces infos vous serviront. le conseil principal est simple : bien lire les étiquettes et respecter les correspondances. Mais je trouve que bien comprendre le principe de dilatation permet également de mieux analyser nos échecs d’émaillage.
Si tu vois un concept intéressant à vulgariser autour des émaux, je t’invite à nous en parler en commentaire. Ce sera un plaisir de le traiter, si ce n’est pas trop compliqué bien sûr… ?