La terre sigillée est un engobe dont on ne garde que les plus fines particules d’argile. Le fait de ne garder que les plus fines particules d’argile lui permet de se vitrifier durant la cuisson. C’est-à-dire de se transformer en verre comme l’émail.
Cette technique est une technique incontournable de la céramique. Elle est utilisée depuis l’époque romaine. Les fameuses poteries noires et rouges des potiers grecs ont été réalisées avec cette technique de terre sigillée.
Cet article vient en complément du Café Poterie sur la terre sigillée. Dans cette émission nous avions reçu Allan Desquins, Rebecca Pinos et Sophie Houdebert, 3 céramistes pratiquant cette technique dans leur atelier. Cet article sera donc enrichie par la vidéo qui contient leurs conseils pratiques.
Qu’est-ce que la terre sigillée ?
La terre sigillée apparaît pour la toute première fois en Italie, 40 av. J.-C. Elle est très en vogue durant l’Antiquité Romaine. Son nom lui vient du mot sigillum qui veut dire sceau en référence aux estampilles présentes sur certaines pièces. Ce n’est pas ce qu’on en retient aujourd’hui, mais à cette époque, les pièce réalisées en sigillée comportaient souvent des décors en relief. Ces pièces sont caractérisées par leur couleur rouge orangée comprenant plus ou moins de variation.
Quelle argile pour la terre sigillée ?
Plusieurs sortes d’argiles sont compatibles avec la sigillée. Cependant, les argiles intéressantes sont celles qui permettent d’obtenir une importante quantité d’engobe après décantation, en comparaison à la quantité de terre du départ.
En sigillée, on peut chercher des argiles qui vitrifient, d’autres qui se polissent correctement ou encore d’autres qui ont une belle réaction à l’enfumage. En fonction des paramètres que tu souhaites privilégier, tu ne choisiras pas la même terre. Par exemple, les faïences ferrugineuses apportent plus de solidité à la pièce.
C’est après plusieurs essais de terre que tu trouveras celle qui correspond le mieux aux résultats que tu souhaites obtenir.
Faïence ou grès ?
En général pour la sigillée, utilise une terre qui se cuit à basse température. En haute température les couleurs sont moins vives. Tu obtiendras seulement des variations de marron. Pour obtenir les fameuses combinaisons d’orangé, il faut une cuisson basse température.
Si tu travailles des terres rouges et que tu souhaites obtenir des variations orangées, pense à mettre un engobe de sous couche blanc. La faïence rouge est la plus utilisée en sigillée. Elle permet d’obtenir une sigillée orangée grâce à l’oxyde de fer.
Les terres de collectes
Tu peux également te servir de terres collectées pour préparer la sigillée. On peut repérer dans une veine d’argile des terres aux caractéristiques différentes :
- Tu peux repérer celles avec un taux d’oxyde de fer différent en fonction des variations de teinte.
- Tu peux aussi trouver des terres plus ou moins grasses. Pour reconnaitre une terre grasse, il te suffit de la toucher. Si elle paraît savonneuse, comme si tu pouvais te laver les mains avec, alors elle est grasse. Les argiles maigres, sont quant à elles sableuses au toucher.
Quelle terre pour le tesson ?
Pour la réalisation de la terre sigillée, la faïence rouge est la plus utilisée. Cependant, pour le tesson, le corps de la pièce, on utilise généralement une terre blanche. Cela permet d’avoir plus de reflets. Les coefficients de dilatation entre les terres sont différents. Cela peut craqueler la sigillée et engendrer des retirements, mais ce sont des effets recherchés dans la céramique actuelle.
Trois références de pâte céramique à utiliser
Voici trois références de pâtes céramique utilisées par Sophie Houdebert :
- La PRAI qui se polit très bien.
- La faïence rouge FR125 se polit elle aussi très bien et n’est pas chère.
- Le grès roux de Norton se ferme bien et il est très fusible.
Fabriquer de la terre sigillée
La terre sigillée s’obtient par décantation de la terre mélangée à de l’eau. Comme expliqué précédemment, on cherche à récupérer les particules de surface les plus fines. Pour fabriquer la terre sigillée, on mélange généralement de la terre, de l’eau et un défloculant. Une fois ton mélange effectué, tu devras laisser décanter ta préparation durant plusieurs heures, jours ou semaines. Tout dépend de l’épaisseur que tu souhaites obtenir.
Exemple de recette de terre sigillée
- Prend de la pâte céramique ou de la terre collectée.
- Pour 1kg de terre ajoute entre 1,5 et 3L d’eau. Cette quantité varie en fonction de la plasticité de la terre. Effectue ton mélange dans un grand fût en plastique par exemple. Commence avec une barbotine assez épaisse pour avoir à la fin une sigillée utilisable, pas trop fine.
- Mixe ton mélange.
- Tamise avec un tamis de maçon, si ta terre collectée comporte beaucoup d’impuretés.
- Une fois les impuretés enlevées ou si tu utilises de la pâte céramique, tamise avec un tamis maille 60.
- Rajoute du silicate de soude, qui est le défloculant. Dose-le par rapport au poids de terre de base en enlevant les déchets.
- Mélange.
- Laisse décanter pendant 48 heures.
- Récolte le liquide de surface qui est la sigillée.
- Tu peux laisser décanter une deuxième fois le mélange si tu le souhaites.
- Le liquide de surface sera ta terre sigillée finale. Tu le repère car les particules d’argile ne plombent plus au fond du seau.
- Gardes-la ensuite dans des bouteilles ou des seaux.
Le temps de décantation va jouer sur la densité de la terre sigillée. Rébecca Pinos laisse décanter 1 mois car elle recherche un engobe très fin.
Le défloculant
Le défloculant est un produit qui permet de fluidifier un maximum la terre sans rajouter trop d’eau. Comme défloculant, nous pouvons utiliser le silicate de soude en France, le Darvan aux US.
À toi de voir la quantité de défloculant que tu souhaites implémenter à ta terre. Sophie Houdebert utilise 1% de silicate de soude par rapport à la quantité de terre sèche, Allan Desquins entre 1 et 5 grammes par kg de terre sèche.
La règle est d’utiliser le moins de défloculant possible. En effet, le silicate de soude est un fondant. S’il y en a beaucoup dans l’argile, cela va changer sa température de fusion, ses caractéristiques et la fragiliser. Rébecca Pinos dose le défloculant par rapport au litre d’eau soit 5g pour 1L d’eau. Tu n’es pas obligé d’utiliser un défloculant mais cela accélère la décantation de la terre.
L’eau
La quantité d’eau va dépendre du type de terre utilisée. Pour une terre grasse, tu peux prendre 9L d’eau pour 1kg de terre. Pour une terre maigre ce sera plutôt aux environ de 3L d’eau pour 1kg. Utilise de l’eau de pluie et de l’eau pas trop froide. En effet, si l’eau est trop froide comme en hiver, les résultats diffèrent et le rendu de la sigillée est moins bon. Garde donc ton eau à l’intérieur durant la saison hivernale. Certains céramistes utilisent aussi de l’eau déminéralisée. Evite d’utiliser de l’eau du robinet qui a été traitée.
La densité
L’ajout de l’eau dans la terre implique la variation de la densité. Comme pour l’émail, vérifie la densité de la terre sigillée. En effet, si ta sigillée est trop épaisse, elle peut s’écailler pendant la cuisson. Si elle est trop fine, il y en aura trop peu sur les parois qui ne seront pas vitrifiées.
La densité moyenne recommandée dans les livres est de 1,15. Sophie Houdebert recherche quant à elle une densité de 1,2. Rébecca Pinos choisit une densité 1,04, car elle veut une sigillée très fine. Allan Desquins lui jauge à l’oeil la densité.
Terre sigillée et émail ?
Email et Terre Sigillée n’ont pas le même rendu. La terre sigillée est plus satinée et moins épaisse que l’émail. Elle se marie au tesson. L’émail recouvre la terre alors que la sigillée fusionne en étant plus fine. Le panel de possibilités en sigillée est aussi complet que celui de l’émail.
Tout comme pour l’émail, nous pouvons colorer la terre sigillée avec des oxydes colorants tels que le cobalt.
Alimentaire ?
La faïence rouge plus fusible, permet d’obtenir des pièces alimentaires. Les Gallo-romains s’en servaient de vaisselle. Si tu ne cherches pas des craquelures à l’enfumage, alors ta pièce pourra être alimentaire. En cas de doute, émaille l’intérieur et applique la sigillée à l’extérieur.
Appliquer de la terre sigillée
Poncer
La terre sigillée est très fine. Si tu décides de poncer ta pièce avant d’appliquer la sigillée, les rayures causées par le papier de verre ne seront pas recouvertes par ton engobe. De plus, le ponçage va laisser des particules de poussière sur ta pièce. Il faut que ta pièce soit totalement dépoussiérée avant d’appliquer la sigillée. Si la poussière se mêle à la sigillée, cela risque de causer un écaillage à la cuisson. Si tu utilises le tour, tu peux fermer ta terre avec une estèque métallique !
Polir
Le polissage n’est pas nécessaire, mais comme nous le disions auparavant toute les traces vont se voir. Le polissage permet d’obtenir des pièces brillantes et lisses. Polissage, c’est revenir plusieurs fois sur une pièce pour la faire briller.
Certaines formes sont plus faciles à polir que d’autres telles que le bol ou l’assiette.
Tu peux polir avant le passage de la terre sigillée et après. Pour polir attend que ton tesson soit à texture cuir. Une fois que la sigillée est bien imprégnée et qu’il n’y a plus de risque d’endommager la pièce tu peux la lustrer. Pour polir la sigillée, fais-le quand elle est encore humide et ne colle pas. Le polissage va te permettre d’obtenir une pièce bien lisse et brillante après cuisson. Cette opération conduit les particules d’argile à s’aligner, créant alors une surface naturellement lustrée.
Pour polir tu peux utiliser :
- Un plastique fin
- Un chiffon doux
- Les doigts
- Une peau de chamois
- Des galets
- Le dos d’une petite cuillère
- Une agathe
L’application
Attention pas le droit aux gouttes avec la sigillée ! Ce travail est tellement fin que toute imperfection se voit. Tu as trois techniques pour appliquer ta sigillée : au pulvérisateur, au pinceau ou au versé :
- Au pulvérisateur : Allan Desquins utilise cette technique. Assures-toi que le compresseur relié à ton pistolet à émaillage a une faible pression (pression 1 bar) sinon cela peut laisser un aspect granuleux sur ta pièce.
- Au pinceau : Si tu souhaites utiliser le pinceau, assures-toi d’abord d’avoir un pinceau de bonne qualité, qui ne risque pas de répandre des poils au risque de laisser des traces sur ta pièce. Si tu utilises le tour, place ta pièce dessus et mets-le en route. Pendant que ta pièce tourne, laisse glisser ton pinceau dessus de bas en haut. Cela te permettra d’avoir une couche uniforme.
- Tu peux enfin verser directement la sigillée sur ta pièce ou la tremper si ton récipient est suffisamment grand.
Consistance de la terre lors de l’application
La terre sigillée s’applique sur une pièce à consistance cuir sec. Il est très difficile de tremper la pièce car on applique la sigillée sur terre sèche. La pièce peut se retrouver déformer car la sigillée est beaucoup plus liquide que les engobes classiques.
Les couches
Il est généralement conseillé d’appliquer au moins 3 couches de sigillée. Suivant l’épaisseur et le résultat que tu souhaites. Tu peux en appliquer plus, comme Sophie Houdebert qui applique une couche par jour pendant 10 à 15 jours.
Le but est d’appliquer assez de couche pour que la couleur de la pièce de base ne soit plus visible. La profondeur finale de la terre sigillée appliquée doit être d’une fraction de millimètre.
Cuisson et combustibles
Quel four utiliser ?
Tu peux utiliser tous les fours : à bois, gaz ou électrique. Le résultat sera cependant différent pour chacun d’eux. La cuisson au bois permet d’obtenir des pièces plus solides. Celle au gaz permet d’obtenir des reflets. Le four électrique te donnera quant à lui des pièces uniformes.
Avant d’enfourner tes pièces, attends au minimum 24h pour qu’elles soient entièrement sèches.
Enfumer ou pas ?
Pour l’enfumage, je te redirige vers l’article sur le Raku. Il peut y avoir de l’enfumage de surface ou d’atmosphère.
On n’est pas obligé d’enfumer le four. Les sigillées seront alors plus homogènes. Les gréco-romains n’enfumaient pas leurs pièces.
Si tu souhaites enfumer voici quelques combustibles utilisés par les 3 céramistes :
- Paille humide
- Bois dur
- Granulés
Courbes de cuisson
La température de cuisson pour les pièces sigillées varie entre 950°C et 1100°C selon les terres utilisées. Attention, comme pour l’émail, il y a de grosses variations de rendu à 20 degrés près. Les pièces sont souvent cuites en monocuisson, assures-toi qu’elles soient bien sèches avant de les enfourner sous risque d’explosion ! Je t’invite à regarder notre exemple de courbes de cuisson, mais à toi de les adapter en fonction de ta pratique.
Céramistes utilisant cette technique
D’autres céramistes utilisent cette techniques comme Pierre Bayle, grand céramiste français décédé en 2004. Maxime Defer, dont la passion de la terre lui viens de son père Bernard Defer. Loïc Giorgio passionné par les techniques préhistoriques et primitives. Jean-Paul Azais qui travaille la terre sigillée depuis plus de 44 ans.
Pour en savoir plus
Si tu veux en savoir plus sur la terre sigillée, je te conseille le livre de Jean-Paul Azais « Transmettre ». Ce livre retrace les 44 années de recherches sur la terre enfumée de Jean-Paul Azais. Il est adapté aux spécialistes comme à un public plus large.
Et bien sûr prends-le temps de regarder ou d’écouter notre café poterie dédié qui est rempli de 1001 astuces !
CaféPot’ S02E09 La terre sigillée
Les conseils des 3 trois céramistes pour se lancer dans la sigillée !
- Allan Desquins : « Au démarrage c’est beaucoup d’essais avant d’avoir de vrais résultats. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à essayer même si cela demande de faire beaucoup de pièces d’essai. »
- Rébecca Pinos : « C’est une technique qui se transmet et s’apprend dans les ateliers. Alors n’hésite pas à demander aux potiers de te former. »
- Sophie Houdebert : « Il faut oser et rien s’interdire. C’est du temps à passer avec la terre. »