Tu as acheté un four ? C’est un grand moment dans ta pratique de la céramique. Pour prendre soin de ton nouveau compagnon, les plaques réfractaires sont en première ligne dans ton four de céramiste. Première étape importante : les protéger pour tes futures expérimentations d’émaux. Dans cet article, je te propose de faire le tour de ce sujet.
Pourquoi faut-il protéger ses plaques ?
Avant de débuter sache que ces plaques sont nommées plaques réfractaires ou plaques d’enfournement. Tous les fours de céramistes sont équipés de plaques réfractaires, séparées par des plots, pour créer des étages et superposer des couches de pièces. On cuit un maximum de pièces en remplissant le four verticalement. Ces plaques sont dites « réfractaires » car elles ont une très haute température de fusion due à leur composition chargée en alumine. Ce point de fusion élevé leur permet de supporter les cuissons d’argile de céramique sans déformations.
Lors de la cuisson de pièces émaillées, il est possible qu’un émail fonde plus que prévu et coule sur la plaque. Après refroidissement, tu vas trouver ta pièce collée à la plaque de ton four à cause de cette coulée. Et la pièce sera littéralement soudée à ta plaque.
Une plaque qui a absorbé un émail trop fondu est-elle fichue ? Non heureusement ! Mais elle va être sacrément abîmée. Tu vas devoir détacher la pièce en la cassant puis passer un coup de Drémel avec une mèche de pinçage très dure ou un coup de disqueuse avec un disque de ponçage. Une perte de temps mais surtout une première cicatrice sur cette plaque qui t’a coûté si cher ! Pour info, les plaques de mon four coûte 80 €. D’autant que tu ne récupèreras jamais une surface tout à fait plane et, avec le temps et la multiplication de ces incidents, ta plaque ne sera plus du tout plane.
Résultat : tes pièces ne sont plus stables. Elles peuvent être tâchées par des résidus d’émaux ou même se déformer à la base.
La solution : protéger ces plaques avec une couche conçue pour encaisser ces coulées.
Comment rattraper ma plaque après une coulée d’émail ?
Tu n’as pas protégé tes plaques et l’accident a eu lieu ! Après avoir cassé ta pièce ?, il faut maintenant retirer l’émail collé à ta plaque. Une seule solution : le ponçage ! Et pas le ponçage au papier de verre, on parle de gros ponçage mécanique. tu peux utiliser une pièce à main équipée d’une grande fraise ou carrément une petite disqueuse avec un disque de ponçage. C’est bruyant, ça fait beaucoup de poussière et ta plaque s’en souviendra malheureusement…
Qu’est ce qu’un engobe de protection ?
Cette couche de protection est formée par un enduit. Cet enduit est aussi appelé engobe de protection. Il crée une couche protectrice sur ta plaque pour accueillir ces vilains petits émaux fondus.
De part sa composition, l’engobe de protection ne fusionne pas avec ta plaque. Il est décollable à tout moment. C’est le gros avantage : il est renouvelable à l’infini ! Si tu es vigilant, tes plaques seront préservées et garderont une surface parfaite pour toujours.
En général, les enduits de protection sont composés d’alumine, de silice et de kaolin.
Utiliser un enduit de protection du commerce
Solution la plus simple : acheter l’engobe de protection en poudre chez un des fournisseurs de matériel céramique. On mélange la préparation en poudre avec de l’eau et c’est réglé, il n’y a plus qu’à appliquer. C’est simple et on est sûr de ne pas se tromper. Inconvénient : le prix. Entre 6 et 12 € le kilo.
Personnellement, j’ai testé celui vendu par Cigale & Fourmi.
Fabriquer un engobe de protection pour plaque
Fabriquer soi même son engobe peut avoir des avantages. En travaillant sur la base d’une recette de qualité, on pourra obtenir un engobe de protection qualitatif.
Ma recette d’enduit pour protéger mes plaques
Rendons à César ce qui est César. Ma recette provient du blog de Sue McLeod, une céramiste, également technicienne dans un atelier, qui a su développer une super recette pour engober les plaques de ses fours !
La voici :
- 40% – Alumine hydratée
- 20% – Kaolin
- 20% – Kaolin calciné
- 20% – Silice
Voyons maintenant les explications de Sue concernant sa recette. Chaque composant a son rôle dans ce mélange, en comprendre le fonctionnement nous permettra de réviser un peu nos bases en chimie des matériaux céramique.
La base de cette protection pour plaque : l’alumine
L’alumine hydratée est très réfractaire, elle fond à plus de 2000°C, elle va donc constituer la base de notre engobe en empêchant à ce dernier de fondre et de fusionner avec nos plaques. Elle contient un peu d’humidité et deviendra de l’alumine calciné après cuisson. Alors pourquoi ne pas l’acheter directement calcinée ? Pour le prix !
L’alumine seule peut protéger vos plaques mais restera à l’état de poudre. Problème : la poudre peut se coller sur vos pièces émaillées lors de l’enfournement. Charger un four avec des plaques en étages recouverte d’alumine en poudre peut s’avérer un exercice très minutieux. ?
Comment lier cette poudre d’alumine ?
En ajoutant de l’argile : le kaolin. On ajoute 50% de kaolin, un élément suffisamment liant pour réunir l’alumine sans toutefois créer de fusion avec la plaque comme le ferait un émail. Ce mélange reste suffisamment réfractaire. Nouveau problème : le kaolin est une argile et comme toute argile, elle se rétracte, créant des craquelures et fissures donc une protection instable sous les pièces ou susceptibles de créer de petites projections.
Comment diminuer le retrait du kaolin ?
En utilisant du kaolin calciné. Le kaolin calciné est du kaolin qui a déjà été cuit à haute température puis qui a été remis à l’état de poudre. On a donc évacué son humidité, éliminant ainsi l’essentiel du phénomène de retrait pour la prochaine cuisson. Inconvénient : tout comme l’alumine calcinée, le kaolin calcinée est plus cher que son homologue hydraté. Pour diminuer suffisamment le retrait, Sue McLeod a constaté que remplacer 50% de notre kaolin par du kaolin calciné était suffisant.
Pourquoi ajouter de la silice ?
A ce stade, notre mélange est fonctionnel. Son prix au kilo est de 4.71 €, moins cher que l’enduit prêt à l’emploi. Ajouter un peu de silice va permettre de diminuer le prix du kilo tout en ajoutant un peu de dureté à notre protection. On améliore sa longévité, c’est à dire le nombre de cuissons pouvant être réalisées sans avoir à la remplacer. Avec 20% de silice, on obtient une engobe de protection de meilleure qualité à 4.23 € le kilo !
Une précaution : si vous réaliser des cuissons au sel ou à la soude, ne mettez pas de silice dans votre préparation car celle-ci risque de fondre davantage au contact de ces fondants atmosphériques. Vous risquez de retrouvez vos plaques émaillées. ?
Engobe « maison » VS Enduit prêt à l’emploi
J’ai testé les deux solutions pour mon four et voici mes conclusions :
- L’engobe « maison » est 2 à 3 fois moins cher que les enduits prêts à l’emploi proposés chez les différents fournisseurs
- L’enduit prêt à l’emploi que j’ai testé est plus agréable à appliquer : il est plus uniforme et forment moins de résidus sur le pinceau.
- L’enduit prêt à l’emploi forme une couche plus jolie sur mes plaques car plus lisse et uniforme.
- En terme d’entretien, je trouve que les deux se valent. Ils se décollent de la même façon des plaques si tu dois les remplacer.
Mon conseil : Si tu as les matériaux à l’atelier car tu fabriques tes émaux, la recette de Sue marche bien. Si tu n’as pas les matériaux, je te conseille d’acheter un enduit prêt à l’emploi, ce sera plus simple.
Appliquer l’engobe de protection des plaques
Préparation de l’engobe
Pour préparer ton enduit, tu dois mélanger l’ensemble des éléments dans un seau et ajouter de l’eau. En général, j’ajoute autant d’eau que j’ai de matière sèche. Soit 500 mL d’eau pour 500 gr de matière sèche au total. On mélange au mixeur de cuisine pour obtenir une préparation homogène.
Application de l’engobe de protection
Pour l’application, plusieurs méthodes sont possibles. Personnellement, j’utilise un pinceau large avec des poils assez souples pour peindre assez rapidement et obtenir une surface le plus lisse possible. L’idée est de ne pas se retrouver avec un champ de bosses. Laisse sécher la première couche et applique une seconde couche identique. Laisse bien sécher avant de faire ta première cuisson. Tu peux cuire ton enduit de plaque avec des pièces, aucun souci ! Stocke le reste d’enduit dans un seau complètement étanche.
Entretien des plaques
Lorsque tes plaques subissent des coulées, tu peux boucher les trous au pinceau avec tes restes d’enduit. N’hésite pas à nettoyer la zone proprement avant de reboucher les trous. Lorsque ta plaque a beaucoup de retouches et commence à s’effriter de partout, tu peux décoller ton enduit et recommencer l’opération.
Rassure-toi, tu ne devras enduire souvent tes plaques si tu respectes ces 3 règles :
- ne fait pas trop de folies avec tes émaux ! Ou pour éviter les coulées, suis nos formations sur les émaux.
- entretiens bien tes plaques,
- fais attention à la couche d’enduit lorsque tu manipules les plaques et lorsque tu les stockes, elle est fragile !
Tu sais tout ! Tu as toutes les cartes en main pour assurer une longue vie tranquille à tes plaques. Si tu utilises une autre recette, n’hésite pas à la partager avec les autres lecteurs en commentaire.