Ce mois-ci, au studio, nous avons testé le fait d’utiliser un émail de faïence dans une cuisson haute température. C’est le moment pour te proposer un article dédié à l’émail de faïence et différentes pistes d’utilisation pour l’utiliser de manière détournée dans ta pratique !
Qu’est-ce qu’un émail de faïence ?
L’émail de faïence
L’émail de faïence est un émail destiné à fondre à basse température : aux environs de 1000°C. Sa fonction première est double : il imperméabilise la pièce et décore la surface. À la différence de la porcelaine ou du grès, qui sont vitrifiés, non poreux sans émaillage, la faïence, elle, nécessite cet émail pour devenir vitrifiée, et donc alimentaire.
Historiquement, l’émail de faïence est souvent opaque, à base d’étain, ce qui donne ce blanc laiteux caractéristique des majoliques italiennes ou des faïences françaises comme celles de Moustiers. Ce fond blanc est ensuite décoré d’oxydes métalliques ou de colorants de masse.
L’émail de faïence est généralement cuit à basse température entre 950 et 1050 °C. Cette cuisson basse température permet une large palette de couleurs, mais rend aussi l’émail plus sensible aux chocs mécaniques et thermiques. Il a tendance à craqueler avec le temps : ce phénomène, appelé tressaillage, fait partie de l’esthétique des faïences anciennes, bien qu’il puisse nuire à l’étanchéité des pièces utilitaires.
Techniquement, l’émail est composé de silice, de fondants, de bore, d’alumine et parfois d’oxyde d’étain ou de zircon pour l’opacité. Selon les recettes, on obtient des émaux brillants, satinés ou mats.
Les différents types d’émail de faïence

On reconnais un émail de faïence car sur son emballage sera noté sa température de cuisson. Elle peut être indiquée par 1020°C par exemple, ou par l’indication cône 06. La notation en cône est la version américaine.
Ils peuvent être conditionnés :
- en émail liquide
- en émail en poudre
- en émail que tu vas fabriquer toi-même à partir de matières premières
Utiliser un émail de faïence en haute température ?

Utiliser un émail conçu pour la basse température dans une cuisson de grès ou de porcelaine (1 220–1 300 °C) n’est pas qu’une « simple » montée en gamme ; c’est un vrai changement.
Pourquoi un même émail ne peut pas tout faire
- Composition : Les émaux basse température contiennent beaucoup de fondants très forts et du bore qui abaissent leur point de fusion.
- Coulures : Les émaux basse température, pensés pour 980 °C, « se liquéfient » si on les pousse à 1 260 °C, avec des dégâts potentiels dans le four.
Les défauts liés à cette technique
| Défaut | Pourquoi ? |
|---|---|
| Coulures, verre qui « dégouline » | Viscosité trop faible au-delà de la plage de fusion |
| Bulles, cratères | Ébullition des oxydes |
| Perte de couleur (cuivres qui brunissent, violets qui se grisent) | Volatilisation de certains colorants à haute T° |
| Pas de garantie alimentaire | Quand on change la température de cuisson de l’émail, on perd sa garantie alimentaire. |
Prudence : la cuisson

Attention, jouer à surcuire un émail peut vite venir endommager les plaques de ton four. Pour le protéger et protéger tes plaques, pense à mettre des coupelles sous tes pièces afin de récupérer l’émail en cas de sur coulure !
Détourner un émail de faïence en émail de grès pour un effet coulure

L’astuce consiste à pousser un émail formulé pour la basse température en haute température. En effet, riche en fondants et en bore, l’émail « se liquéfie », s’étire et ruisselle sous l’effet de la gravité.
Attention
- à l’épaisseur d’application : plus l’application va être épaisse plus l’effet coulure sera important en montant en température.
- Pose bien l’émail en haut de la paroi pour prévoir la coulure
- Ne pose pas cet émail dans une zone alimentaire, car cet émail surcuit est non alimentaire
Mode d’emploi express
- Choisir l’émail :prends un émail basse température
- Applique épais sous la lèvre ou l’épaule et plus fin sur le reste pour limiter les coulures.
- Courbe de cuisson : joue sur la montée lente et refroidissement lent pour figer la coulure.
- Sécurité : installe une plaque sous tes pièces.
- Contrôle : mets un jeu de cônes pyrométriques dans le four pour vérifier la température !
Détourner un émail de faïence pour coller une pièce

Nous avons testé et nous l’avons adopté. Un émail de faïence peut être utilisé pour coller un élément sur ta pièce en grès. Un émail formulé pour la basse température fond très tôt, devient un verre sur-fluide et s’interpose entre deux pièces : il “soude” les pièces avant que l’émail haute température voisin n’entre en fusion.
Pourquoi ça tient ?
Fusion précoce : À haute température, l’email basse T° pénètre les micro-aspérités des deux surfaces et développe une interface corps-émail si forte qu’elle dépasse parfois la cohésion mécanique d’un époxy industriel.
Conseils
- Biscuit propre : dépoussière à l’éponge, pas de graisse.
- Micro-griffures (papier grain 120) : augmente l’accroche de l’émail.
- Application ciblée : 1 mm d’épaisseur suffit. Trop de matière = coulure.
Attention
Cette technique d’accroche fonctionne très bien sur les pièces, horizontales. Par contre, si tu veux ajouter une anse à ta pièce et que tu veux la coller, l’anse sera accrochée mais aura glissé sous la gravité !
Derniers conseils
- Tuiles inclinées : vérifie la longueur de coulure avant d’oser sur la pièce finale.
- Protéger ton four : technique risquée
- Chauffe inégale = joint fragile : centre l’objet et évitez les zones proches des résistances.
- Usage déco, pas alimentaire
Et voilà, à toi de tenter l’expérience dans ton atelier si l’idée te tente. Partage-nous tes retours, et les différentes explorations que tu auras toi même trouvé !



