Tous les jeudis j’accueille en live des artistes, des céramistes, toujours en lien avec la poterie. Le but est de vous faire découvrir leurs parcours, leurs créations, leurs ambitions …. Ces lives sont une source d’inspiration pour tous les apprentis céramistes. Aujourd’hui je vais vous présenter l’interview de Florence Servan-Schreiber. J’ai découvert Florence Servan-Schreiber via ses célèbres livres dont « 3 kifs par jour« et « Bloum! » que j’apprécie particulièrement. Spécialisée dans la psychologie positive et en science du bonheur, Florence partage de nombreuses astuces pour développer sa créativité. C’est d’ailleurs le sujet de notre interview !
Interview de Florence Servan-Schreiber
Pensez-vous que développer sa créativité rend heureux ?
Il y a deux choses dans la créativité : l’inspiration et la fabrication. L’inspiration c’est l’élan, c’est la vie, l’envie, le désir et la vision. Donc lorsque nous avons l’élan de fabriquer quelque chose, c’est que nous sommes portés ! J’aime la notion qui est que nous serions visités par des muses. C’est-à-dire que quand on est dans un processus créatif, il y a des jours où nous avons des idées et d’autres non. Moi, je suis dans un métier d’écriture, je dois jouer avec les mots, les aligner et rendre des papiers ! Il faut que ça sorte de quelque part. Et donc, parfois, c’est laborieux. Et puis, d’autres fois, c’est comme si, en effet, venait se poser sur notre épaule des muses qui chuchotent à l’oreille. C’est l’élan de vie, et quand on est en dépression ou que nous nous sentons mal, cette inspiration, cette visite des muses peut devenir rare et même se tarir.
L’autre volet de la créativité, c’est celui de la fabrication. C’est quand on se met au travail de manière volontaire, quand on a une destination, un objet dans les mains. Nous allons nous focaliser et en nous concentrant et nous consacrant à ce que nous sommes en train de faire, il se passe un phénomène assez fantastique. En effet, la petite voix qui nous parle tout le temps se tait quand nous sommes dans un état de « flow ». Ça provoque les moments de notre vie où nous sommes le plus heureux. Il est important de savoir ce qui nous connecte à cet élan, ce qui nous déconnecte de l’extérieur et nous apporte dans cet état ?
L’expérience optimale : Etude de Mihaly Csikszentmihalyi
Démontrée par une étude de Mihaly Csikszentmihalyi, cela s’appelle « l’expérience optimale » ou « expérience de flow ». Il a expliqué l’état de « flow » de la manière suivante : « fait de se sentir complètement impliqué dans une activité pour elle-même. L’égo n’existe plus, la perception du temps non plus. Chaque action, mouvement et pensée découle inévitablement de la précédente, comme lorsque l’on joue du jazz. Votre être tout entier est impliqué, et vous utilisez vos compétences à l’extrême ».
Il y a deux natures d’activités dans notre vie : les activités qui nous donnent de l’énergie et celles qui nous en coûtent. Pour résumer, ces moments de flow nous donnent l’énergie nécessaire pour faire ce qui est fractionné, difficile, froid, etc . Il faut donc répartir notre vie, notre quotidien entre ces 2 natures d’activité.
La céramique tout comme l’écriture est un processus long dont certaines parties nous plaisent moins. Comment faire pour garder le plaisir de faire et développer sa créativité malgré les parties qui nous plaisent moins ?
Tout n’est pas fantastique dans ce que nous ferons. Il faut trouver du sens à ce que l’on entreprend. C’est la seule façon d’accepter ces facettes qui nous plaisent moins. Prenons par exemple le moment où nous devons sortir les poubelles. Au lieu de se sentir mal à l’idée de sortir les poubelles, dites-vous que grâce à ça, votre petit-déjeuner de demain sera comme vous le souhaitez. On trouve ainsi du sens à quelque chose qui me « casse les pieds ». Tout dépend aussi de votre tempérament : il y a des gens qui aiment que ça soit long et d’autres comme moi qui préfèrent l’instantané. Il faut donc garder en tête le but, et régulièrement reprendre le choix que nous avions fait
Comment éviter le syndrome de la « page blanche » qui touche aussi les céramistes ?
La « page blanche » c’est une question d’intimidation ! Nous sommes intimidés par ce que l’on pense qui doit être fait, par ce qu’on a déjà fait ou par ce que l’on ne se croit pas capable de faire. En écriture, la « page blanche » c’est très intimidant. J’ai appris dans un cours de développement de la créativité à faire une grosse croix sur cette page, pour ne plus être intimidée et commencer à la salir avec mes idées. Malgré tout ce qu’on se raconte on ne peut pas faire mieux que le mieux que l’on puisse faire. Si je donne le meilleur de moi, je ne peux pas faire mieux. Donc autant faire la paix avec ce meilleur de moi et se soutenir.
Il y a une liste des peurs propres aux personnes créatives reprise par Elisabeth Gilbert. On a peur quand on réussi une collection que la prochaine ne soit pas aussi bonne, on a peur de tout et rien.
Comment passer au dessus de ses peurs et vaincre le syndrome de l’imposteur ?
Et bien avec un bon petit point sur la réalité. Ce qui nous bloque se sont des fantasmes. Plutôt que de se dire « je n’arrive pas à faire ceci », on peut se comparer à des choses absolument pires que soi. Par exemple : avoir des difficultés à imaginer une prochaine collection ou vivre dans le métro à Kiev depuis maintenant presque 6 mois, franchement où est la difficulté ? Il faut arrêter de se comparer a des choses inatteignables pour nous. Le cerveau est souvent plus rassuré quand on se compare à pire, que de se dire que ça pourrait être mieux. C’est une discussion avec soi-même. Il faut prendre une position optimiste en se faisant confiance. Certes, il y a plusieurs peurs qui freinent notre créativité, le syndrome de l’imposteur mais aussi, la peur de l’inconnu, du jugement ou encore de l’échec. Mais, à nous de les repérer et de les mettre de côté.
Comment faites-vous au quotidien pour développer cette créativité, pour la faire perdurer ?
Ma créativité est plutôt intellectuelle. Je retranscris tout à « ma sauce », mais au fond de moi, mon immense regret est de ne pas être une artiste pure. J’ai l’impression que les artistes peintres ou les céramistes comme vous, sont traversés par une créativité qu’ils ne peuvent pas retenir, qu’ils sont traversés un flux, une impulsion. De mon côté, j’ai fini par me rendre à l’évidence que ma créativité ne serait pas être d’ordre manuelle. Moi, c’est ma curiosité, ma forme artistique. Quand on est adulte, il faut trouver des poches de progression. Il faut oser apprendre, sauter dans le vide pour continuer à développer cette créativité.
Pour vous, c’est important de garder cette part de hobby et de loisir ?
Complètement ! Tout ce que nous faisons par plaisir pur est une des alimentations qui donne du sens à notre vie. Le meilleur moment est tout ce que nous faisons en plus de nos vies, par choix, par goût, pour garder cette créativité. Le plaisir pur est une des alimentations qui donne du sens à notre vie.
A votre avis le fait de procrastiner fait parti du processus de création ?
Oui ! La procrastination est de l’infusion. Pendant que nous ne sommes pas entrain de faire ce que nous avions prévu de faire, il se passe autre chose. Je pense que tous les créatifs l’ont observé. Et, quand on doit vraiment s’y mettre on s’y met ! Si on aime, le temps qu’on perd on n’est pas entrain de perdre du temps. L’élan se trouve quand il y a eu un barrage dont on va se débloquer !
Merci à Florence pour sa participation ! Je vous invite à écouter l’interview sur Instagram.
Si tu veux en apprendre plus sur le processus créatif je t’invite à lire notre article : Avoir une activité créative : un besoin profond