Lors de mes premiers cours de poterie, je ne me souciais pas de l’argile que j’utilisais, j’étais uniquement centrée sur le tournage. Mais lorsque j’ai eu mon tour perso, j’ai voulu tout tester ! La terre chamottée ? Je me suis polie les mains ?. La porcelaine ? Bizarre, je n’arrivais plus à tourner ! ?. Je suis ensuite passée à la faïence, puis au grès.
Lorsque tu veux tester une nouvelle terre, c’est toujours perturbant de faire face au catalogue des fournisseurs, il y a trop de choix ! Différentes couleurs, différentes chamottes, des températures qui fluctuent et des coefficients et pourcentages dont on ne comprend pas l’intérêt.
Dans cet article, je te propose de faire le tour de ces critères pour t’aider à mieux choisir ton argile pour tes futurs projets de poterie ou de sculpture.
Une petite précision : on utilise ici le mot “argile” pour désigner les pâtes céramiques que sont la porcelaine, le grès et la faïence.
Cet article fait partie du dossier « Argiles » qui regroupe 8 articles :
1 – Les argiles en céramique
2 – Choisir son argile en poterie ou en sculpture
3 – Le Guide de la porcelaine pour céramiste
4 – Le Guide du grès pour céramiste
5 – Le Guide de la faïence pour céramiste
6 – L’ argile autodurcissante ou argile sans cuisson
7 – Quelles est la température idéale de cuisson d’une argile ?
8 – Tester les propriétés d’une argile
Sommaire
- La couleur
- La plasticité
- Le retrait
- La dilatation thermique
- La chamotte
- La porosité
- La température de cuisson
- Les conseils d’utilisations
- Par où commencer ?
La couleur
Chaque argile a une couleur qui lui est propre. Pour être plus précise, des couleurs qui lui sont propres. Car la coloration d’une terre va varier selon qu’elle est crue, sèche, cuite à 1000°C, 1200°C ou 1300°C. A la cuisson, l’argile subit aussi de grandes modifications de teintes.
Tu trouveras des grès ou des faïences blanches, rousses, brunes, rouges, grises ou noires avec une large palette de nuances. Par contre, la porcelaine sera uniquement dans des nuances de blancs et translucide. Il existe aussi des argiles bicolores ou des terres pyritées qui vont être mouchetées de noir une fois cuites.
La coloration d’une argile est principalement liée à la quantité d’oxydes de fer et de manganèse qu’elle contient. Plus la terre est colorée, plus elle contient d’oxydes. Ceci est aussi vrai pour la terre de votre jardin.
Incidence de la couleur
- Les oxydes responsables de la couleur étant des fondants, plus une terre est colorée, plus sa température de cuisson va être basse (en général).
- Plus une terre contient de fer ou de de manganèse, plus ces oxydes risquent d’ interférer avec l’émail en modifiant la couleur générale ou en le mouchetant. Le manganèse peut également créer des dégazages problématiques lors des cuissons.
La plasticité
La plasticité ou malléabilité de l’argile est une propriété importante en poterie ou en sculpture. Elle nous permettra de donner la forme voulue à notre balle de terre. La plasticité est liée à la taille des particules d’argile et à l’humidité qui les lient. Plus elles sont petites, plus il y a d’eau, plus la terre est plastique. Une plasticité trop élevée rend le tournage ou la réalisation d’une sculpture très difficile car les pièces s’écrasent sur leur base ou se déforment. Une plasticité trop faible peut provoquer des déchirures.
Le taux d’humidité est un indicateur partiel de la plasticité mais il est difficile à interpréter car une terre peut être très humide sans être très plastique. Cependant, elle ne peut être plastique si elle n’est pas humide, tu me suis toujours ? C’est pour cela qu’il est très important de refermer précautionneusement son paquet d’argile afin que l’humidité reste constante.
Pour être sûr que la plasticité d’une pâte corresponde à ta pratique, réfère-toi aux conseils d’utilisation des fournisseurs.
Incidence de la plasticité
- Plus une terre est plastique, plus elle aura de retrait au séchage et à la cuisson.
Tester la plasticité de ta terre
Si tu travailles une terre locale ou récoltée par tes soins ou si tu as laissé sécher ta terre, sache que tu peux tester la plasticité d’un argile simplement.
Le retrait des pièces
En séchant, l’argile perd une partie de l’eau qu’elle retient. Son séchage s’accompagne d’une diminution de volume appelé retrait. En effet, au fur et à mesure de l’évaporation de l’eau, les particules de terre se rapprochent de plus en plus. Lors de la première cuisson, celle du biscuit/dégourdi, les particules d’eau s’évaporent encore jusqu’à 573°C : un second retrait a lieu. Enfin, la cuisson finale provoquera aussi un dernier retrait par dégazage et restructuration moléculaire. Le taux de retrait total de crue à cuite d’une argile varie entre 2 et 20%.
Les faïences ont des retraits de 7% à 8%. Les grès sont généralement autour de 13% et les porcelaines entre 15 et 20%.
Incidence du retrait
- Un séchage trop rapide ou irrégulier de la pièce, sur une sculpture épaisse par exemple, peut créer des fissures.
- Une terre à fort retrait a tendance à créer du gauchissement, c’est à dire des déformations au séchage. Exemple : une plaque qui se courbe en séchant.
Tester le retrait de ta terre
Si tu travailles une terre locale ou récoltée par tes soins, ou si tu as des doutes sur les infos des fournisseurs, sache que tu peux tester le retrait d’une argile simplement.
La dilatation thermique
Le coefficient de dilatation thermique mesure l’augmentation du volume relatif de la pièce pendant la cuisson. Il est important que le coefficient de dilatation de la pièce et de l’émail soient compatibles, pour que l’émaillage soit réussi. On considère que la compatibilité est assurée si le coefficient de l’émail est égal ou légèrement inférieur (jusqu’à 15%) au coefficient de la terre.
En moyenne, les porcelaines ont un coefficient autour de 50*10-7, les grès autour de 60*10-7 et les faïences autour de 80*10-7. Si ton argile a un coefficient proche de ces moyennes, les émaux prêts à l’emploi ou couverte s’adapteront parfaitement. Attention, si tu utilises des argiles qui s’en éloignent trop, à toi d’en tenir compte dans le choix de tes émaux. Pour ceux qui fabriquent leurs émaux, il est possible de calculer le coefficient de dilatation de ton émail.
Incidence du coefficient de dilatation
- Une incompatibilité des coefficients de dilatation de la terre et de l’émail peuvent provoquer du tressaillage ou de l’écaillage.
Pour mieux comprendre ce coefficient et ses conséquences ou apprendre à le calculer pour tes émaux, je te conseille la lecture de l’article sur le coefficient de dilatation thermique en céramique.
La chamotte dans l’argile de poterie ou de sculpture
En céramique, on appelle chamotte une argile cuite, broyée plus ou moins finement, incorporée à la pâte à façonner pour produire un grain, une rugosité. Elle apporte de la solidité, diminue le retrait et augmente la résistance aux chocs thermiques. La chamotte permet aussi de laisser passer de l’air lors de la cuisson et évite fissures et cassures. Sur le plan artistique, elle peut donner une texture granuleuse.
Il existe des terres finement chamottées et grossièrement chamottées. La taille de chamotte présente dans l’argile est indiquée par les fournisseurs. Tu trouveras de la chamotte impalpable 0-0,2 mm, de la chamotte moyenne 0-0,5mm et de la grosse chamotte pour des tailles supérieures. Attention aux adeptes du tour, au delà de 0,5, la chamotte te polit les mains ! La terre fortement chamottée est surtout utilisée en modelage et en sculpture pour ses propriétés de texture et de maintien.
La porosité d’une argile en poterie
Une des caractéristiques importante pour choisir ta terre est sa porosité. Elle correspond à la capacité de la pâte céramique à absorber l’eau.
La faïence, même cuite, est poreuse alors que le grès et la porcelaine seront imperméables si correctement cuits. Qu’est-ce que cela implique ? Pour les sculptures, strictement rien ! Pour les pièces alimentaires en grès ou en porcelaine, tu n’es pas obligé de les émailler, car leur texture les rend à elles seules imperméables. Une fois la cuisson finale réalisée, tu peux les utiliser ou les passer au lave vaisselle sans soucis. Pour les pièces alimentaires en faïence, tu es obligé de les émailler, car c’est l’émail qui rendra ta pièce imperméable et donc utilisable pour l’alimentaire.
La porosité est fonction de la composition de la pâte céramique et de la température de cuisson. Certaines pâtes peuvent être totalement imperméable, d’autres ne le peuvent pas même en les cuisant à leur température maximale.
Incidence de la porosité
- La porosité de tes pièces est un facteur déterminant pour savoir si tes pièces sont robustes ou peuvent passer au lave-vaiselle.
- La porosité d’une argile cuite est directement liée à sa solidité car ces deux caractéristiques dépendent de l’état de vitrification de l’argile.
Pour approfondir ce sujet important de la poterie utilitaire, je te conseille la lecture de l’article Quelle est la température idéale de cuisson d’une argile ?.
Tester la porosité de ta terre
Si tu travailles une terre locale ou récoltée par tes soins, ou si tu as des doutes sur les infos des fournisseurs, sache que tu peux tester la porosité d’un argile.
La température de cuisson
Sur la fiche technique de votre terre, tu y trouveras enfin la plage de température de cuisson. Au-dessus de cette plage, la terre peut fondre ou simplement se déformer ou buller. Au-dessous, l’argile ne sera pas assez cuite donc fragile ou poreuse pour le grès et la porcelaine.
En théorie, ça parait simple. En pratique, c’est plus compliqué :
- Une température seule ne suffit pas à caractériser une cuisson. Si votre four s’arrête une fois la température atteinte ou si tu laisses un palier de maintien de 30 minutes, la chaleur reçue par votre pièce sera très différente. Voici 2 articles pour approfondir : “La cuisson d’un émail en céramique” et “Les cônes pyrométriques”.
Les conseils d’utilisation d’une argile de poterie
Les fournisseurs de pâtes céramiques précisent très souvent si la terre proposée est à utiliser en tournage, en modelage, en sculpture ou encore en raku. C’est un bon indicateur des propriétés plastiques de la terre.
Voici quelques conseils généraux :
- Une argile de tournage est adaptée au modelage ou à la sculpture. L’inverse n’est pas vrai.
- Une argile de coulage n’est pas adaptée aux autres pratiques car elle te sera livrée en poudre.
- Une argile de Raku est adaptée au modelage et à la sculpture mais pas forcément au tournage. Sa caractéristique est de supporter de gros chocs thermiques sans se déformer.
Par ou commencer ?
Je te propose une série de questions à prendre dans l’ordre pour t’aider à choisir ta terre.
- Quel est la capacité de ton four ? SI tu ne montes pas dans les hautes températures (1200°C -1300°C), tu dois choisir obligatoirement la faïence.
- Quelle technique vais-je utiliser ? Tournage, modelage, sculpture, raku ?
- Ma pièce sera-t-elle alimentaire ? Si oui, tu dois alors tenir compte du couple température / porosité et adapter ton émaillage.
- Quelle couleur me plait ?
Si tu as suivi ce questionnement, ton choix devrait être sérieusement restreint. Et si tu cherches des conseils plus précis en fonction de ta pâte céramique, consulte le guide qui te concerne :
- Le Guide de la porcelaine (à venir)
- Le Guide du grès (à venir)
- Le Guide la faïence (à venir)
Le choix de ta terre est un dialogue entre des contraintes techniques et des considérations esthétiques. Chaque terre est unique. Il faut un temps avant de s’approprier une terre, la « dompter ». De nombreux céramistes changent très peu de terre : on ne change pas de compagnons de route tous les 4 matins ! Ils font évoluer leur pratique par l’ajout de nouvelles techniques ou de décors plus recherchés.